7 septembre 1995

Monza 1995, tension en Formule 1 !

1995, l’année de tous les dangers pour Renault F1… suite à la disparition tragique d’Ayrton Senna en 1994, le motoriste se devait de remporter un nouveau titre de Champion du Monde des Pilotes. Successeur de Senna comme premier pilote au sein du team Williams-Renault, la trajectoire était toute tracée pour Damon Hill… mais il fallait désormais compter sur Benetton, la seconde écurie équipée du V10 Renault et son pilote vedette, Michael Schumacher.
À couteaux tirés dès le début de la saison, alternant les victoires, les deux pilotes ne s’adressaient même plus la parole lorsqu’ils se croisaient.

GP d'Italie 1995, stand Benetton-Renault.

> Monza, Olivier Marguerat au Nikon F4 à l’œuvre dans le stand Benetton-Renault.

Chez Wake-Upp, alors que nous produisions des images pour Renault Sport, nous avions le projet d’un livre photo sur la saison 1995, racontant le duel acharné entre Hill et Schumacher. Ne connaissant pas l’issue du championnat début septembre, nous avons alors proposé à la communication de Renault Sport d’organiser une séance de prise de vues des deux protagonistes autour d’un moteur V10… pas facile de les réunir, voire impossible, tellement la tension entre eux était à son comble.

Photographes de Formule, 1995, Monza.

> Dans le paddock de Monza, Olivier Marguerat et Gérard Planchenault (Wake-Upp).

En habile négociateur, Christian Contzen (Directeur Général de Renault Sport), avec la complicité de Philippe Tardivel (Responsable de Communication Renault F1) et de Christine Marquilie (Responsable Presse et Relation avec journalistes), réussit à convaincre les 2 écuries d’organiser cette séance à Monza, la veille des essais du GP d’Italie.
Le jeudi 7 septembre, en fin de matinée, l’équipe de Wake-Upp (Bruno des Gayets, Olivier Marguerat et Gérard Planchenault) débarque sur place pour préparer cette séance de prise de vues dans le plus grand secret, s’interdisant évidemment d’en parler à qui que ce soit (tous les photographes du paddock rêvaient de ce scoop !).
Renault F1 nous propose un lieu “neutre” pour installer notre studio: un stand Beneton (avec l’aide Joan Villadelprat) mitoyen aux 2 écuries, utilisé par Renault pour stocker son matériel. Mise en place dans l’après-midi… fond blanc neutre, éclairage et boîtes à lumière Balcar, tout est minutieusement préparé et testé (films… boîtiers en double… jeu d’éclairage de rechange…), aucun droit à l’erreur car nous n’aurons droit qu’à dix minutes “chrono”, le temps accordé par les deux pilotes.

Equipe Wake-Upp productions GP d'Italie

> Le studio est prêt pour accueillir Damon Hill et Michael Schumacher, nos Nikon F4 « doublés » sont chargés et les Balcar sont testés !

17h00 : tels deux boxeurs montant sur le ring, Michael Schumacher et Damon Hill arrivés chacun de leur coté, se placent autour du V10 Renault. Très professionnels, ils suivent nos instructions sans broncher (face à face… “les yeux dans les yeux”… concentrés… souriants… complices…) en jouant comme deux acteurs alors qu’ils ne s’adressent plus la parole depuis plusieurs semaines.

Duel Schumacher-Hill 1995.

> Pose amicale entre les 2 protagonistes du championnat du monde de Formule 1 1995.

17h10 : les dix minutes accordées par Williams et Benetton se sont écoulées… Michael Schumacher et Damon Hill repartent dos à dos sans se serrer la main. Pour nous, c’est mission accomplie, le scoop est dans la boîte ! Nos boîtiers Nikon F4 sont gavés d’images et, bien au delà de nos espérances, nous disposerons même d’un large choix d’images nous permettant d’alimenter les différents projets éditoriaux en cours. Après cette bouffée d’adrénaline, ces instants d’intense concentration, la pression retombe et nous en profitons pour shooter quelques souvenirs avec les membres de l’équipe Renault F1.

Photo souvenir Wake-Upp - Renault F1.

> Photo souvenir après la séance de prises de vues : Olivier Marguerat, Gérard Planchenault et Bruno des Gayets (Wake-Upp productions), Christine Marquillie et Philippe Tardivel (Communication Renault-Sport F1).

1995 duel Damon Hill et Michael Schumacher

> Auto-Journal, Racing One, VSD, livre « Champions ! »…
VSD titrait la double page : « Arrêtez-les, ils vont finir par se tuer ». Ambiance !

Lorsque je regarde de nouveau ces photos qui ont, à l’époque, fait le tour du monde (dont le fameux “face à face” choisi pour la couverture du livre “Champions !”), il est difficile d’imaginer, sachant ce que l’on peut réaliser aujourd’hui en post-production numérique, que ces deux stars de la F1 aient pu poser ensemble à ce moment clé de la saison 1995 et de façon si affable, autour d’un moteur Renault. D’ailleurs, lorsque jeudi soir, nous avons raconté ce “scoop photo” à d’autres journalistes présents dans le paddock de Monza, certains avaient du mal à nous croire!

Paddock GPd'Italie 1995 à Monza

> Discussion amicale dans le paddock de Monza avec Philippe Eranian (Sygma) qui lui aussi préparait un livre sur Renault F1, et Gérard Planchenault (Wake-Upp).

Dimanche, la course sera très tendue, les 2 pilotes s’accrocheront et abandonneront, ce qui ne fera pas baisser l’animosité qu’ils se vouaient alors.

Livre "Champions", 1995, Damon Hill et Michael Schumacher

> Livre Champions ! « Les coulisses d’un exploit », Wake-Upp éditions – 1995.

 

6 Juillet 1969

6 juillet 1969 : GP de France de Formule 1 à Charade

Si comme tout le monde (voire une très grande partie de la planète) juillet 1969 vous évoque le premier pas de l’homme sur la Lune, pour ma part beaucoup plus modestement je faisais mes premiers pas dans le monde de la photo.

Passionné de courses automobiles depuis quelques années, je dévorais, découpais, collais dans un cahier à spirales des images de Sport-Auto, de l’Auto-Journal et de tout ce qui concernait la compétition auto.

> Un de mes cahiers à spirale où je rassemblais l’actualité auto, après avoir découpé minutieusement les pages de Sport-Auto, Le Figaro, France-Soir…

Mon père ingénieur et (discret) amateur de mécanique en tout genre avait pris l’heureuse initiative en ce début de grandes vacances 1969 de m’emmener à mon premier GP de formule 1 avec mon copain et voisin Bertrand Fayette, grand amateur de Scalextric et de voitures de compétition.

> GP de France à Charade, un des plus beaux circuits de l’époque avec son tracé de plus de 8 kms au milieu des volcans d’Auvergne, au dessus de Clermont-Ferrand.

Nous habitions Limoges, c’était l’été, c’était les vacances et nous n’avions pas tout à fait 12 ans !

Alors que j’accompagnai mon père parti acheter un cadeau chez “Photo Vayne” (un Polaroid Swinger 20 pour la communion solennel d’un fils d’ami), il avait décidé de m’offrir aussi un appareil photo, mon premier “boîtier”. Son choix s’est porté sur un kit (déjà) Instamatic Kodak 25 pour le somme toute ronde de 10 francs (ne cherchez pas, il n’y a pas de plus petit numéro dans cette gamme).

> Photo Vayne à Limoges, tout près de la place des Carmes. 1969-2019, rien n’a changé sauf l’appellation « Phox » sur la vitrine.

> L’instamatic 25 original… Et ses 2 réglages possibles : temps ensoleillé, temps couvert !

C’est le plus simple des Instamatic de l’époque, livré avec sa housse en skaï… et une cassette Instamatic (film) de 12 vues carrées N&B.

> Où l’on peut remarquer le magnifique étui en skaï de l’Instamatic 25, appareil que j’ai gardé tout l’été 1969 autour du cou.

Partis très tôt de Limoges avec la Citroën ID 19 familiale, nous voilà quelques heures plus tard à Charade, magnifique circuit de 8 kms serpentant au milieu des montagnes d’Auvergne.

> Billet d’entrée pour le GP de France à Charade, 20 francs soit environ 22,20 € actuel (pas cher l’entrée à l’époque !).

> Programme du GP de France 1969 à Charade.
Jackie Stewart est sur la couverture !

Nous choisissons un endroit stratégique pour suivre la course : le virage Rosier, où nous verrons bien le départ, la course et l’arrivée.

Économie de moyen, je dois économiser mes 12 vues : le départ, des photos de la course et je garde une photo pour l’arrivée (au cas où).

13 pilotes au départ, un bruit à couper le souffle.

> 14h00, départ du GP de France, 1ère photo du reste de ma vie effectuée avec mon propre boîtier !

Après 1h56mn de course Jackie Stewart et sa Matra-Ford passe la ligne d’arrivée du GP de France avec un peu d’avance sur Ickx et Beltoise qui eux se battent comme des chiens pour la deuxième place, Beltoise redoublant Ickx juste avant le dernier virage (le nôtre !).

> Mauvaise passe pour Piers Courage et sa Brabham-Ford dans le virage Rosier.

Nous voilà autour de la voiture podium, il me reste une vue, Stewart était en interview mais Jacky Ickx et Jean-Pierre Beltoise sont là, je prends la photo !

> Photo ultime de mon chargeur Instamatic 126 de 12 poses, Jean-Pierre Beltoise et Jacky Ickx. 20 ans plus tard, Jacky Ickx en regardant cette photo me dira qu’il se rappelait très bien… de l’hôtesse “Craven A” à côté de lui pour le tour d’honneur !

Bien des années plus tard, en fouillant, grâce à Fabrice Connen, dans les archives de DPPI, j’ai retrouvé une image où l’on me voit de dos en train de prendre mon ultime photo de la journée (photo que j’ai fait dédicacer, bien des années après par les deux pilotes, alors que je les photographiais dans le cadre d’un reportage sur les 24 Heures du Mans).

GP de France 1969 Charade

> À l’arrivée de la course, me voici de dos en train de déclencher ma dernière images de la journée (N°12 sur le film). Photo DPPI

> Sur cette photo de l’Agence DPPI, tout en bas à gauche mon copain Bertrand Fayette demandant un autographe à Jean-Pierre Beltoise. Photo DPPI

50 ans plus tard, en regardant les photos de DPPI… je me demande toujours comment mon père a fait pour nous récupérer ?

 

8 décembre 1980

8 décembre 1980 : VGE, tirages express

En février 2018, nous quittait Jérôme Chatin, mon compagnon d’aventure de mes premières années de photographe. Alors pour penser à lui, je vous propose de vous raconter une petite aventure commune qui remonte à plus de 38 ans… Oups !

Comme disait une de mes stagiaires, née après l’an 2000, “Bruno des Gayets, il est très intéressant, il m’a montré comment il faisait des photos au XXe Siècle”… Re-oups !

Bien alors, c’est une histoire de photographe du XXe Siècle que voici.

Jérôme, photographe professionnel depuis plus d’un et moi depuis un trimestre, nous voilà appelés par le service de presse de l’UDF pour une opération “commando”, en effet le 8 décembre 1980 le président de la République (Valéry Giscard-d’Estaing) devait se rendre Porte de Versailles à un colloque des confédérations PME pour y prononcer un discours important (et long heureusement pour nous !).

> Jérôme Chatin en mai 1981, rue Soufflot, lors de la marche de François Mitterrand vers le Panthéon après son élection. Équipé de son Nikon FM et d’un 180mm 2.8, de son sac Domke où est accroché le casque qu’il portait sur son scooter PX125.

La mission : prendre des photos de VGE et du public au début du discours, développer les films, choisir 2 photos et faire un tirage de chaque pour les 100 journalistes présents… Et les distribuer avant la fin du discours.
J’en vois déjà qui rigolent avec leurs smartphones capables d’envoyer directement une image à leurs abonnés Twitter, à l’autre bout du monde et en direct live.

Et bien à l’époque, nous avions loué une caravane (installée dans les coulisses du colloque), installé un mini labo (avec arrivée d’eau, électricité), obturé les fenêtres de la caravane, installé une sécheuse pour les tirages.

Labo photo improvisé

> Installée à l’intérieur du Hall 1 du Parc des expositions de la Porte de Versailles, notre magnifique caravane, gardée par un vigile !

Fort de toute cette installation, approvisionné d’un révélateur film ultra rapide (on avait chauffé le bain à la casserole), nous voilà prêts !

Labo photo improvisé

> Notre labo N&B à l’intérieur de la caravane : agrandisseur, cuves, sécheuse papier RC… et le casque de Jérôme sur un coin de table !

Début du discours, je suis en attente dans la caravane, Jérôme se retrouve devant le podium et pendant 3 à 4 mn fait 2 films 36 poses, retour à la caravane, on développe les films en 5mn, on les sèche au séchoir à cheveux, on choisit sur les film 2 photos à tirer.

Valéry Giscard d'Estaing

> Colloque sur les PME, Porte de Versailles à Paris. Valéry Giscard d’Estaing avait choisi d’y faire un important discours. Document INA

Valéry Giscard d'Estaing

> Valéry Giscard d’Estaing pendant son allocution le 8 décembre 1980 à la Porte de Versailles. Document INA

Jérôme repart dans la salle pour assurer le reste du reportage, agrandisseur déjà réglé, je bloque la porte de la caravane et j’attaque les 200 tirages : agrandisseur – révélateur – rinçage express – fixateur – rinçage express et séchage dans la machine !

Labo photo improvisé

> Notre mini-laboratoire de campagne à l’œuvre, après choix de la photo sur le négatif, j’attaque les tirages. Photo ©Chatin-Gayets

> Un des tirages originaux de notre opération commando de décembre 1980. Vu la rapidité du fixage et du rinçage, la maison « Chatin-Gayets” n’avait pas garanti la bonne conservation du document dans le temps ;-). Photo ©Chatin-Gayets

Au bout de 5 à 6mn les premières photos sortent, je les passe sous la porte et on vient les chercher pour les distribuer directement aux journalistes, en moins de 25mn les 200 tirages N&B sortent !
Avec la chaleur, il fait 35 degrés dans la caravane non aérée, odeur de bain d’acide, tout ce que l’on aime…
Mission accomplie !
C’est ça la photo au XXe siècle, salut Jérôme, salut l’ami !

Labo photo improvisé

> Nous avions demandé aux organisateurs du colloque une ligne téléphonique pour ne pas être trop isolés pendant l’évènement… Jérôme en a largement profité !